Les carrières de Roucy

A dix mètres de profondeur, dans un dédale souterrain de près de six kilomètres de galeries, les carrières de Roucy, taillées dans le calcaire, sont le témoin de plus d'un siècle d'histoire : extraction de la pierre de taille au cours du 19ème siècle, refuge pour les soldats français qui combattaient sur le front du Chemin des Dames de 1914 à 1917; et enfin champignonnière de 1955 à 1965.

N'espèrez pas pouvoir visiter un jour ce site situé dans les collines surplombant la vallée de l'Aisne, entre Roucy et Concevreux ! Ses multiples entrées sont pour la plupart bouchées et totalement invisibles et le parcours est un enchevêtrement de galeries, véritable labyrinthe où il serait bien hasardeux de s'aventurer ! Aujourd'hui, propriété privée, les Carrières sont condamnées et interdites à la visite.

Le sous-sol du plateau de Roucy était alors la propriété d'une dizaine de maçons de la vallée qui en extrayaient une pierre tendre en calcaire : la burge, facile à manipuler mais gélive, ce qui explique qu'elle était travaillée l'hiver à l'intérieur des carrières où la température ne  descendait pas en dessous de 8°C. Sous cette couche de burge, les maçons avaient localisé une pierre dure qui servait de soubassement aux maisons qu'ils construisaient à Roucy, à Concevreux et dans les villages alentours.

Le temps des combats

Du fait de sa proximité avec le Chemin des Dames, cette carrière fut occupée pendant la première guerre mondiale. Pendant que les troupes allemandes se retranchaient dans la caverne du Dragon, les troupes françaises du Général Mangin prenaient position dans les carrières où ils attendaient le signal de l'offensive pour descendre dans la plaine et livrer une nouvelle bataille à l'ennemi. Leur occupation dans ce refuge souterrain aménagé comme une caserne, équipé du téléphone et d'un circuit électrique, a duré de longs mois et soucieux de ne pas être oubliés, les poilus ont laissé sur les parois des galeries des témoignages de leur campagne. Dans la tendre burge, ils ont gravé et modelé de véritables oeuvres d'art : des portraits, des croix de guerre, des effigies de Marianne,  des croix, un magnifique cheval et de nombreuses effigies féminines, en particulier des baigneuses. Hélas, la majorité de ces oeuvres ont été saccagées par des visiteurs clandestins, ou tout simplement découpées et emportées par des collectionneurs d'art militaire peu scrupuleux.

Le temps des champignons

Les carrières furent définitivement abandonnées une fois la guerre finie. Mais c'était sans compter avec la passion de deux habitants de Roucy .... pour les champignons ! Ainsi, de 1955 à 1965, le secrétaire de mairie, Paul Vaconsin, et l'épicier du village, Lucien Martin, transformèrent les galeries en champignonnières.

Ces deux jardiniers astucieux surent exploiter l'eau qui filtrait naturellment par le plafond pour constituer un réservoir utile à l'arrosage et à la fermentation des meules de fumier répandues sur le sol pour accueillir la culture des champignons.

La température était trop basse pour faire pousser ces champignons de Paris rapidement, mais au bout de trois mois, nos deux compères voyaient leurs efforts récompensés et c'est par paniers de dix kilos portés à dos d'homme qu'ils ramenaient leur production au village... une production de qualité qui intéressait aussi certains grossistes de Reims qui venaient régulièrement s'approvisionner à Roucy !